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50 000 étudiants étrangers absents des établissements canadiens

16 janvier 2025 par
50 000 étudiants étrangers absents des établissements canadiens
360 actu

Carol Mastantuono était présente en Inde, en 2018, lors de la visite officielle de Justin Trudeau. Photo : Facebook / Carol Mastantuono


Alors que le Canada continue d’attirer un grand nombre d’étudiants étrangers grâce à son système éducatif réputé et à ses politiques migratoires accessibles, un phénomène préoccupant se dessine. 

Près de 50 000 étudiants étrangers inscrits dans les établissements canadiens ne sont pas en classe. Parmi eux, 20 000 proviennent d’Inde, un pays où le Canada recrute activement des étudiants. Ce constat soulève des inquiétudes quant à la gestion de ces flux et aux abus potentiels du système éducatif canadien.


Faire la différence

Il est important de nuancer les critiques envers le Canada concernant l'accueil des étudiants étrangers, tout en reconnaissant les défis actuels. Les relations entre le Canada et l'Inde sont complexes et influencées par divers facteurs politiques et diplomatiques. En effet, le Canada a connu une croissance significative du nombre d'étudiants étrangers ces dernières années, atteignant 621 600 en 2021.

Cette augmentation rapide a entraîné des défis en termes de logement, de soins de santé et d'autres services.

Face à ces pressions, le gouvernement canadien a récemment annoncé des mesures pour stabiliser le nombre d'étudiants étrangers, visant à réduire à environ 360 000 le nombre de permis d'études délivrés pour 2024.

Cependant, il faut également considérer le contexte diplomatique tendu entre le Canada et l'Inde. La crise diplomatique actuelle, marquée par des expulsions mutuelles de diplomates, a atteint un niveau rarement vu depuis la guerre froide.

Cette situation influence certainement les déclarations publiques des représentants indiens concernant le traitement des étudiants au Canada. Les critiques de l'ambassadeur indien Sanjay Kumar Verma sur l'exploitation des étudiants étrangers au Canada doivent être examinées dans ce contexte.

Bien que ces préoccupations méritent d'être prises au sérieux, il est crucial de reconnaître les efforts du Canada pour améliorer la situation. Le gouvernement canadien a mis en place des mesures pour mieux protéger les étudiants étrangers contre les acteurs malveillants et soutenir une croissance démographique durable.

Il est également important de noter que le Canada reste une destination attractive pour les étudiants internationaux, notamment en raison de ses politiques favorables à l'immigration post-études.

Le pays offre un processus en trois étapes permettant aux étudiants étrangers de passer du statut d'étudiant à celui de résident permanent, ce qui le rend particulièrement attrayant.

Les critiques de l'Inde envers le Canada concernant le traitement des étudiants étrangers soulèvent des points valables, il est essentiel de les considérer dans le contexte plus large des relations diplomatiques tendues et des efforts continus du Canada pour améliorer son système d'accueil des étudiants internationaux.

Les données d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) révèlent une augmentation significative de la proportion d'étudiants indiens parmi les étudiants internationaux au Canada. En 2021, près de la moitié des permis d'études internationaux ont été accordés à des ressortissants indiens, ce qui représente un doublement par rapport à 2015.

La Colombie-Britannique s'est particulièrement démarquée dans l'accueil d'étudiants internationaux. Un document officiel de la province indique qu'en 2017, les établissements d'enseignement britanno-colombiens, du primaire au postsecondaire, accueillaient plus de 150 000 étudiants étrangers. Ce chiffre représentait environ 25% de l'ensemble des étudiants internationaux présents au Canada à cette époque.

Pour l'année universitaire 2019-2020, les chiffres concernant les inscriptions dans les établissements d'enseignement supérieur au Québec étaient les suivants :

  • Universités québécoises : 314 967 étudiantes et étudiants inscrits au trimestre d'automne.
  • Établissements collégiaux québécois : 214 776 étudiantes et étudiants inscrits au trimestre d'automne.

Ces données confirment que le nombre d'inscriptions dépassait effectivement les 300 000 pour les universités et les 200 000 pour les collèges au Québec durant cette période.

En 2023, le Canada a franchi un cap historique en accueillant plus d'un million d'étudiants internationaux, avec une augmentation significative de 28% par rapport à l'année précédente. Les étudiants indiens ont joué un rôle prépondérant dans cette croissance, représentant 37% des permis d'études délivrés.

La répartition géographique des étudiants internationaux au Canada révèle une forte concentration dans trois provinces principales. L'Ontario se démarque nettement avec 526 015 étudiants, suivi par la Colombie-Britannique qui en accueille 202 565, et le Québec avec 117 925 étudiants. Cette distribution inégale a contribué à une croissance rapide du nombre total d'étudiants internationaux, dépassant le million en 2023.

Face à cette augmentation significative, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour mieux gérer cet afflux, notamment en instaurant un plafond temporaire de 360 000 nouveaux permis d'études pour 2024.

Cette décision vise à assurer une croissance plus contrôlée et durable du secteur de l'éducation internationale au Canada.


Abus du système éducatif pour des motifs migratoires

De nombreux rapports révèlent que certains étudiants étrangers exploitent leur statut comme un moyen d'accéder au Canada, sans véritable intention de poursuivre des études. Ce phénomène est largement facilité par des politiques migratoires canadiennes relativement permissives.

En effet, des agences peu scrupuleuses inscrivent ces candidats dans des établissements offrant des programmes académiques peu exigeants, où l’assiduité n’est pas strictement contrôlée, permettant ainsi à ces individus d’obtenir des visas sans obstacle majeur.

Une fois au Canada, ces étudiants abandonnent souvent rapidement leurs études pour chercher du travail, bien souvent non déclaré, dans des secteurs comme la restauration, la construction ou les services à domicile, où la main-d'œuvre est vulnérable à l’exploitation.

Cette déviation professionnelle représente un abus manifeste du système éducatif canadien et soulève d’importantes questions quant à la gestion des étudiants internationaux.

 

Le travail non déclaré : une économie parallèle qui nuit au Canada

Le travail au noir effectué par des étudiants étrangers engendre de nombreux enjeux préoccupants pour l’économie et la société canadienne. En premier lieu, il contribue à une perte fiscale significative, car les étudiants qui travaillent sans permis ou qui excèdent les heures de travail autorisées échappent au système fiscal, privant ainsi le gouvernement de revenus essentiels.

Cette situation alimente également une forme de concurrence déloyale sur le marché de l’emploi, où des travailleurs non déclarés, souvent sous-payés, rivalisent avec des citoyens et résidents canadiens, exacerbant les tensions économiques.

Par ailleurs, ces étudiants, souvent en situation précaire et dépendants, deviennent des cibles faciles pour des employeurs peu scrupuleux qui les exploitent en leur offrant des conditions de travail bien en dessous des normes légales et des salaires misérables. Ces dynamiques non seulement fragilisent les droits des travailleurs, mais elles compromettent également l’intégrité du marché du travail canadien.

 

Des institutions peu équipées pour gérer le problème

L’un des principaux problèmes liés à la gestion des étudiants étrangers au Canada réside dans le manque de surveillance et de coordination entre les organismes concernés. Une fois qu’un visa étudiant est délivré, les contrôles post-arrivée sont pratiquement inexistants, ce qui signifie qu’aucune vérification rigoureuse n’est effectuée pour confirmer que l’étudiant est réellement inscrit, assidu ou même présent au Canada.

Cette faiblesse s’aggrave par l’absence de centralisation des données entre les établissements d’enseignement et les autorités fédérales, rendant impossible un suivi précis des étudiants. De plus, le système financier canadien montre des lacunes importantes. Contrairement à des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, le Canada ne demande pas de preuve de paiement intégral des frais de scolarité avant l’arrivée des étudiants.

Ce laxisme permet à certains de contourner les exigences académiques et de détourner le système éducatif à des fins autres que celles prévues. Ces faiblesses structurelles compromettent l’intégrité du programme et permettent des abus qui pourraient être évités avec des mécanismes plus rigoureux.

Bien que les étudiants étrangers soient généralement considérés comme des acteurs économiques positifs pour le Canada, leur présence soulève également des défis majeurs.

L’afflux important de ces étudiants, souvent concentré dans certaines régions, aggrave la crise du logement en augmentant la demande pour des logements abordables, déjà en pénurie. Nombre d’entre eux se retrouvent contraints de vivre dans des conditions précaires, parfois insalubres ou surpeuplées, ce qui génère des tensions croissantes avec les communautés locales.

De plus, certains étudiants exercent une pression sur les ressources publiques, en utilisant des services de santé ou d’autres infrastructures sans toujours contribuer de manière significative au système fiscal. 

Par ailleurs, des incidents de fraude financière, de falsification de documents ou même d’activités criminelles organisées impliquant des étudiants étrangers ont été signalés, ternissant l’image des programmes d’immigration éducative et soulevant des questions sur l’efficacité des mécanismes de contrôle.

Ces défis nécessitent une réflexion approfondie pour équilibrer les avantages économiques de leur présence avec les impacts sociaux et structurels qu’ils engendrent.

 

Vers un contrôle renforcé : des pistes à explorer

Pour limiter les abus et garantir que les étudiants étrangers respectent leurs engagements académiques et migratoires, plusieurs mesures pourraient être mises en place. D’abord, un suivi obligatoire des présences devrait être instauré, obligeant les établissements à signaler rapidement toute absence prolongée ou tout abandon d’études à un organisme centralisé.

Cette initiative permettrait de détecter les cas d’abus dès les premières irrégularités. Ensuite, la création d’un fonds de garantie, sous forme d’un dépôt initial exigé des étudiants étrangers et remboursable à la fin de leur séjour d’études, pourrait constituer un puissant moyen de dissuasion contre les départs précoces ou l’utilisation frauduleuse du statut étudiant.

Par ailleurs, il serait essentiel de renforcer les vérifications des dossiers financiers et académiques, aussi bien avant l’arrivée des étudiants qu’au cours de leur séjour, pour réduire les cas de fraudes et s'assurer de leur conformité aux critères requis.

Enfin, une surveillance accrue des permis de travail s’impose, afin de limiter les abus liés au travail non déclaré et de garantir que les étudiants respectent les limites légales en matière d’emploi. Ces mesures, combinées, contribueraient à mieux encadrer les étudiants étrangers et à protéger l’intégrité du système éducatif et économique canadien.

L’absence de 50 000 étudiants étrangers dans les établissements canadiens met en lumière des failles importantes dans le système éducatif et migratoire. Bien que ces étudiants jouent un rôle crucial dans l’économie canadienne, il est impératif de renforcer les contrôles pour éviter les abus et protéger l’intégrité des institutions éducatives.

En équilibrant ouverture et vigilance, le Canada peut continuer à attirer des talents internationaux tout en s’assurant que ces derniers respectent leurs engagements académiques et contribuent de manière équitable à la société. Sans réformes, le pays risque de compromettre non seulement sa réputation, mais aussi les retombées positives de ce programme essentiel à son développement.


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